mercredi 31 décembre 2008

2008

En ces derniers jours de l'année 2008, j'ai plutôt l'âme mélancolique. Le décès de mon père en avril m'a pris plus vieux que celui de ma mère en décembre 1995 et me touche différemment: moins de révolte, plus de sérennité.

Mon père ne voyait pas d'intérêt à continuer la vie quand il se posait la question de la mort. Mais il vivait pleinement les événements qui font notre quoitidien plus ou moins éloigné. Après un Noël en famille à Roanne, il a eu un énorme plaisir à discuter avec la grand-mère de Marjorie pour l'anniversaire de Michaël, une payse qui parlait patois. Avec lui, j'ai pu sillonner l'entre Rhône et Loire la semaine où je suis venu le voir avant que je ne commence mon stage de master ergonomie au centre tests clients grand-public de France Telecom. Et il est mort en donnant toute son énergie dans un cri de rage contre les médecins qui le privaient de son médicament salvateur - l'acharnement des médecins à le priver de sa cortisone qu'il prenait depuis 50 ans et qui l'empêchait de souffrir de son asthme chronique est vraiment incompréhensible!

C'est le vendredi 4 avril qu'il a poussé ce dernier cri. J'ai passé cette journée à Dinard, en ballade avec des collègues, sans savoir qu'il n'était plus que maintenu en marche sous un appareil, sans lui. Je suis arrivé à Roanne, à l'hôpital, avec Martine, vers 2h dans la nuit, auprès d'un corps appaisé, respirant bruyamment sous la machine. Le week-end, nous étions tous là pour être avec lui. Quand l'appareil a été arrêté le lundi 7 avril, son corps s'est étient en moins d'une heure. Il a bien rejoint Maman le 4 avril, au matin. Elle l'attendait depuis 13 ans.

Caco (Antoine Devillaine, le plus jeune frère de mon grand-père maternel) avait mon âge quand il a rencontré mon père. Professeur de français dans l'enseignement catholique, Caco s'était vu proposer la direction de l'école de Sanary sur mer. Il s'en était confié à son coiffeur à Saint-Symphorien de Lay. C'est le coiffeur qui lui a présenté le jeune institeur de l'école privée du village.

Bien sûr, Caco avait une nièce. C'est par lui que mon père et ma mère se sont trouvés. Dans ses carnets, Caco décrit la plus belle année de sa vie qu'il a passée à Sanary. Il se voyait bien continuer, mais mon père avait d'autres vues sur la suite de sa vie qu'il voulait construire avec ma mère. Il a passé et réussi le concours des postes et à commencé sa carrière à Paris. Après leur mariage, ma mère l'a rejoint et je suis né à Boulogne Bilancourt, rue des Longs Prés, avant le retour à Régny où j'ai passé la première année de mon existence, mon père ayant eu un poste à Lyon.

Quelle tristesse de perdre ses parents! Il y a tant de choses que je ne leur ai pas dites, tant d'amour que je ne leur ai pas montré! Je retiens l'immense confort qu'il nous ont assurés avec leur foi en l'avenir, leur foi en l'éducation et en la culture, leur foi en l'Homme et leur confiance au progrès, malgrè les mois qu'ils n'arrivaient pas à boucler - j'ai vu pleurer ma mère à cause du manque d'argent et mon père faire double-journée avec ce qu'on appelait les califs (les heures supplémentaires)! Ce qu'ils nous laissent, c'est une espèce de paradis perdu, le plus beau cadeau des parents dont sont privés trop d'enfants, même riches.

Cette année m'a permis aussi de lever un défi qui n'était pas gagné d'avance. Le jury censé recruter les candidats au parcours de professionnalisation ergnome de France Telecom m'avait jeté. Grâce à l'insistance de collègues plus clairvoyants, j'ai pu faire le master d'ergonomie du parcours et le réussir avec une mention bien. Il ne me reste plus que cinq ans à travailler, c'est-à-dire à avoir une activité rémunérée. Dans cinq ans je serai toujours en activité, mais dans une activité non marchande, comme il se doit, pour assurer le passage de témoin dans les meilleures conditions pour les suivants. Et si j'en avais l'occasion comme les collègues qui ont bénéficié du système des congés de fin de carrière, je le ferai dès maintenant, avec la conscience d'apporter ma contribution au monde de la façon la plus appropriée. Je n'ai pas grande admiration pour ce que je fais: rémunérer à cette hauteur les riches oisifs qui tirent les vraies richesses que mes collègues et moi produisons et qui produisent un monde si perturbées par les crises que cela produit.

Je ne parlerai pas des enfants que j'accompagne vers l'autonomie. Ils sont tous trois différents, mais j'en suis fier également. Ils n'ont pas la chance d'hériter d'un monde où le progrès a sa place. Je n'ai pas su, avec ma génération, construire autre chose qu'une simili-jungle où règne la loi du plus fort sous le joug d'exaltés qui ne savent pas soigner leur mal-être autrement qu'en imposant aux autres leur frénétique sur-moi.

Heureusement, la réalité rappelle à l'ordre et, comme au PS ou avec les succès électoraux de la CGT, de meilleurs options devraient être choisies: pour l'année 2009.