jeudi 19 novembre 2009

La solidarité

J'ai écrit l'éditorial du numéro d'octobre 2009 du journal de la section socialiste de Cesson-Sévigné. J'ai eu le plaisir de lire la réaction de deux Cessonaises qui ont exercé avec justesse leur droit de réponse. Débattons.

Je ne comprends pas ce qui nous oppose, sauf à vouloir à tout prix en découdre. La religion n'a pas le monopole de la charité, le secours populaire est une association aussi présente que le secours catholique. Et, comme vous, je pense que l'église a été l'avant-garde de l'assistance publique contre la pauvreté.
Je ne comprends pas comment, dans mon édito, vous lisez du discrédit sur la foi ou l'église.

Je confirme: la solidarité est le partage des fruits du développement que l'on construit en commun, alors que la charité est le don de ce que l'on a (quand on est plus riche) ou de ce que l'on reçoit (quand on est plus pauvre). Il y a une grande inégalité entre les acteurs de la charité: le pauvre est en relation de dépendance vis à vis de dame patronesse. Alors que la solidarité se joue entre égaux qui ont des droits sur la richesse créée. Là est le grand progrès.

Il n'est pas juste de reformuler un texte et d'exploiter la résonnance d'un mot pour raviver les conflits du passé. La République est laïque et la religion est une affaire privée en France. La France est métisse et ses citoyens ont des cultures différentes. De cela il n'est pas question dans mon édito.

La charité est la préhistoire de la solidarité. Cela ne lui enlève aucunement sa valeur - loin de moi l'idée de salir l'honneur de Saint-Vincent-de-Paul.

C'est la question de l'impôt qui est au centre de notre débat, pas la religion. La droite nationale conduit une politique de baisse d'impôts qui accroît les inégalités et appauvrit le pays. La droite cessonaise mobilise contre l'impôt pour la jouissance privée. Nous disons que c'est l'impôt qui alimente la solidarité et corrige les effets d'une économie trop lâchement conduite. Rien de plus dans cet édito.

Mon éditorial

Les Hommes suivent leur route selon deux grandes orientations : l’individualisme ou la solidarité. L’individualisme pousse à considérer les autres comme des concurrents, la solidarité comme des partenaires. L’individualisme, c’est la loi de la jungle, la solidarité, celle de la loi du vivre-ensemble.

La Gauche d’aujourd’hui se reconnaît héritière d’une histoire dont elle veut éviter les erreurs sans renoncer aux espoirs de ses prédécesseurs.

C’est une grande victoire des deux derniers siècles que d’avoir appris à organiser le don sans dame patronnesse, mais grâce à la loi. C’est une grande victoire que d’avoir légitimé la lutte contre les inégalités, contre la spoliation des richesses produites par le travail au profit du capital.

La solidarité n’est pas envisagée comme le partage de ce qu’on a, mais comme le partage des fruits du développement que l’on construit en commun. Il s’agit là aussi d’un caractère qui différencie la solidarité de la charité.

La droite de Cesson se félicite d’impôts réduits dans son tract, jugeant que chacun trouve la meilleure utilisation de sa richesse. Mais comment porter des projets collectifs sans l’impôt ?
La réponse d'E. Bardoult & de F. Gobaille

Dans un tract du parti socialiste daté d’octobre 2009, on pouvait lire : « c’est une grande victoire (…) d’avoir appris à organiser le don sans dame patronnesse » ; ou encore : « la solidarité est le partage des fruits du développement que l’on a construit, et ce caractère différencie la solidarité de la charité ». Ces deux allusions, à peine voilées, aux religions chrétiennes appellent à elles seules une réponse à l'auteur de ce texte.

Faut-il lui rappeler que l’histoire de France abonde en actions, individuelles ou collectives, menées par des chrétiens, de lutte contre la pauvreté, contre les inégalités, quand l’Etat ne remplissait pas encore la fonction sociale que nous lui connaissons ? Faut-il rappeler que l’invention même de la notion d’hôpital est née du Christianisme, qui fit apparaître l'idée d'une assistance qui ne serait plus réservée à la famille, mais au contraire publique, c'est-à-dire offerte à tous, amis ou ennemis, familiers ou étrangers, et particulièrement aux mendiants et aux sans-abris ?

Mais là n’est pas encore la question essentielle.

Nous voudrions rappeler avec force à l’auteur de ce texte qu’il n’est pas juste de jeter le discrédit sur la foi ou l’église dont les citoyens se réclament en privé. C’est là une des bases fondatrices de notre République laïque.

N'en déplaise à quiconque, la France est plurielle. Pour lutter contre les inégalités, l'urgence est d'œuvrer en commun, d'unir nos forces, non pas de raviver des conflits du passé, contraires à la paix sociale.

Et puisque le tract évoque plus loin une « urgence écologique », pourquoi éditer un document en couleur et sur papier glacé ?

L’urgence, aujourd’hui, est bien plutôt à la cohérence, au rassemblement et non aux divisions !